A.I.R.

Extensions

Date: Tue, 19 Jun 2007 10:22:02 GMT
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Press text-Piano Nobile, Geneve by Maryline Billod

Katleen Vermeir et Ronny Heiremans developpent depuis deux ans le projet A.I.R (Artist in Residence) dont la denomination refere aux enseignes fixees au-dessus des entrees des espaces industriels de SOHO investis par les artistes dans les annees soixante a New York. Artist in Residence signalait alors une presence humaine, a fortiori une activite artistique dans des locaux jusque-la  en friche. Aujourd'hui, dans le contexte artistique, l'appellation de residence designe un lieu de travail ephemere, suggerant un certain nomadisme. Compressant ces differents parametres, le projet A.I.R prend pour point de depart la maison personnelle des artistes, un ancien espace industriel qu'ils ont amenagee en lieu d'habitation et en atelier. A.I.R questionne le geste architectural, la signification de l’espace bati, les projections – personnelles, politiques – qu'il charrie.

Resultant d’une residence a Istanbul en 2006, A.I.R extension#06 (piano nobile) represente une nouvelle etape de leur projet. Concue comme une annexe ou une abstraction du loft bruxellois, l'installation in situ se refere egalement et plus generalement aux pavillons nationaux des grandes expositions, envisages comme des lieux de representation d'identite nationale. Provisoire et constituee en partie de parois flottantes, l'installation A.I.R  joue avec l'architecture de Piano Nobile, en integrant certains elements (le plafond et la vitrine qui sont tout a la fois elements constitutifs du lieu et du pavillon) et en en reproduisant d'autres (le sol et les parois devenant surfaces de projection et de reflexion), initiant ainsi une sorte d'aller retour entre realite et illusion.
 
Elements pivots entre deux univers, reels et projetes, les images apparaissent simultanement clore l'installation et s'ouvrir sur d'autres espaces. Dans cet environnement constitue de surfaces reflechissantes, elles se multiplient, debordant de l'ecran pour inonder le lieu. Le film revele simultanement l'architecture du Pavillon Florya a Istanbul et celle du loft bruxellois. Symbole de la modernisation de l'Etat turc, le Pavillon Florya construit en 1935 s'inspire volontairement de l'architecture moderne occidentale et il puise abondamment dans le vocabulaire architectural du Corbusier: construction sur pilotis, rampe d'acces, fenetres disposees en bandeau offrant de larges ouvertures sur l'exterieur, favorisant la transparence. Residence secondaire d'Ataturk (1881-1938), pere de la modernisation de l'Etat turc, la construction encode par sa forme meme l'esprit de son programme, qui prône la transparence, l'ouverture ainsi que la laïcisation de l'Etat; il accorde aussi une place nouvelle a la femme dans la societe. L'architecture s'avère ainsi instrumentalise, devenant lieu de projections et support d'ideologies politiques.
 
La notion de transparence et d'ouverture s'inscrit dans la construction meme du film. Oscillant entre couleur et noir et blanc, les images projetees ondoient avec fluidite leur support, n'hesitant pas a se recouvrir, à se superposer. Muettes, ces dernieres n'en demeurent pas moins hypnotiques et fortement poetiques. Reunissant un materiel visuel provenant de diverses sources (archives, images video et photographiques prises par les artistes), tel un collage, le film entremele et fusionne des vues du Pavillon Florya et du loft bruxellois, enjambant toutes frontieres spatio-temporelles et dissolvant ainsi l'identite respective des deux lieux. Un nouvel espace se cree, indefinissable et median, compressant differentes realites; plusieurs strates temporelles s'y trouvent conjointes, initiant des allers retours dans l'histoire. La qualite meme de l'image, inegale, contribue a rendre flous les reperes temporels et spatiaux.
 
Investigateur, A.I.R extension#06 (piano nobile) questionne non seulement la signification d'une architecture et les projections qu'elle charrie, mais egalement sa mediatisation par l'image, percue et utilisee par les architectes modernes. L'image magnifie l'objet bati et l'isole de son environnement, travestissant d'une certaine facon la realite. Vermeir et Heiremans interrogent cette representation, prenant le parti de l'exploiter largement et resolument. Leur travail opere donc comme un agent de transformation. Plus qu'il n'y parait, les images s'averent poetiquement pernicieuses.

Maryline Billod, Piano Nobile, Geneve, 2007

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